L’abri de la dernière chance
Dimanche 15 avril
Aranjo – Paramo de Nevado del Ruiz – 31 km
Ce soir, dans le froid et l’humidité, je dors à 3 500 m d’altitude, face au volcan Nevado del Ruiz que je ne vois toujours pas. C’est mon Arlésienne !
Après un petit « grand » déjeuner, véritable repas avec la soupe fortifiante, viande, riz et banane cuite et un chocolat chaud. De quoi partir rempli de force et il m’en faudra aujourd’hui.
Mille cent mètres de dénivelé avec des pentus entre 5 et 10%, pas moins, et ce pendant six heures. Mais six heures tout de même à contempler les versants très particuliers de cette Cordillère centrale dessinés tout en raideur vertigineuse comme rarement vue. D’un côté de la rouet, j’ai en permanence une vallée très profonde et très escarpée. Impressionnant !
Malgré le nombre de kilomètres limité, j’ai longtemps peiné à trouver la maison qui m’accueillera pour la nuit. Il est 13h30 et mon estomac m’ordonne de m’arrêter, les talons ne suivant plus. Je lui obéis sans broncher. Je reprends des forces pour finir la journée et avancer à la recherche d’un toit. Il sera très long à venir, les maisons se faisant de plus en plus rares dans cette montagne désertée. Et, au moment où je commençais à entrevoir un bivouac sauvage, une maison apparaît dans la pénombre naissante d’une fin d’après midi grisâtre. Je n’ai plus le choix et entre. Les mots et les phrases maintenant rituels arrivent à convaincre rapidement la propriétaire et je me sens soulagé. Pour la première fois, je n’étais pas certain de trouver refuge dans la montagne.
Ce soir donc, je m’installe à l’abri du froid et d’une pluie probable, au milieu d’éclairs naissant de toute part. Ici c’est l’hiver comme ils disent, c'est-à-dire la saison des pluies qui commence tôt cette année et qui se prolongera jusqu’en juillet. Le reste de l’année étant considéré comme l’été, la deuxième saison, avec ses fortes chaleurs.
Chaleur précisément de l’accueil, café, repas qui a défaut d’être équilibré me remplit l’estomac et servi avec générosité. C’est un rituel ici que de recevoir de cette manière. Je ne dois pas être le seul à en bénéficier.
Avant de fondre de sommeil dans mon duvet chaud, j’observe un ciel maintenant bien sombre qui s’embrase de plus en plus. J’ai droit à mon feu d’artifice personnel. Après tout, ne l’ai-je pas mérité ?