Entre les deux Cordillères
Mercredi 11 avril
Hacienda de Gilberto – Honda – 79 km
Ce matin, je pars tout léger encore, sachant que c’est sans doute le dernier jour sur la route du soleil et surtout la dernière nuit au milieu de ces camions.
C’est le calme plat du côté du relief mais pas du côté de la circulation. Malgré cela, je butine à la recherche de beaux clichés, du meilleur endroit de la route, sur le bas côté lorsque je sens que je vais être au même niveau que le croisement de deux poids lourds. Pas de risque, je saute sur le bas côté et reviens sur l’asphalte quand le danger est écarté. C’est un exercice auquel je me suis habitué.
Des troupeaux paissent dans les immenses prairies et souvent le bétail accepte la compagnie d’oiseaux qui viennent les débarrasser des multiples parasites de la région. Etonnant ! Un arrêt dans une immense salle étrange qui se trouve être le centre de vente du bétail de la région, une sorte de vente aux enchères des animaux qui défilent comme des manequins et puis le plus majestueux de toute cette vallée, le plus rugissant parfois, le rio Magdalena qui viendra couper la ville de La Dorada puis viendra me tenir compagnie ce soir dans la ville de Honda, à la fourche des routes menant l’une vers Bogota, l’autre vers Manizales et mon premier volcan.
Les pluies de ces derniers jours ont fortement grossi le fleuve
C’est par là que mon chemin passera demain matin. Des jours difficiles m’attendent.
Même pas peur !
Vendredi 13 avril
Honda – Fresno – 42 km
Finie la rigolade de la « ruta 45 » à vélo ou en camion. Aujourd’hui, les choses sérieuses commencent avec une mise en jambe de 23 km jusqu’à Mariquita puis une longue grimpette de 19 km. Le compte y est : 42 km.
Le décor est grandiose à rendre jalouses les Alpes et les Pyrénées, ponctué de bananeraies, de fougères géantes, d’une variété de bambous bien plus gros que la précédente, et l’inventaire pourrait durer. La route de la capitale Bogota absorbant bon nombre de camions, mes nuits dans la tente devraient être plus tranquilles et ma sécurité plus grande sur la route.
Omar part vendre ses fromages
Précisément sur cette route, deux rencontres passagères ce matin. La première est avec Omar qui fait quelques kilomètres en ma compagnie et, avant de prendre un autre chemin, m’offre un de ses fromages qu’il part vendre dans la ville voisine. La seconde est pour une señora qui me tend de l’eau à boire avec deux oranges de son verger. Un délice de rencontre !
Depuis la première heure, on m’annonce à plusieurs reprises la présence de deux cyclistes me précédant d’une heure et peut-être bien des français. Je garde malgré cela mon allure de croisière et si je dois les rencontrer, ça se fera tôt ou tard.
Je peine à atteindre Fresno et m’arrête devant une maison coquette d’où des paires d’yeux me fixent intensément et un sourire illumine les visages. On m’ouvre le portail et m’offre la boisson nationale après le café : le jus de fruit naturel. Un bonheur surtout après l’effort de ce jour !
Dans l’ambiance de l’accueil, je demande à installer ma tente pour une nuit : ACCORDE !
A prendre une douche réparatrice : ACCORDE !
A emprunter une grande bassine pour ma grande lessive : ACCORDE ! Adelina, la maîtresse des lieux, me proposant même de m’essorer le linge tout en m’offrant l’autre boisson : le « tinto », le café.
Que du bonheur qui, aujourd’hui encore ponctue les heures pas faciles passées sur la bicyclette.
Je pense que Enzo, mon frère Belge et fervent amoureux de l’Amérique du Sud, a raison quand il écrit que les voyageurs solitaires sont plus facilement accueillis dans la famille, le temps d’une soirée et d’une nuit. A vérifier !
En attendant, ce soir je goûterai au fromage d’Omar, aux fruits de l’inconnue de ce matin et au charme d’une nuit chez Adelina et Jose, mes hôtes. Je goûterai une fois encore à la douceur de la Colombie des montagnes et des ses habitants.