La piste des lacs
Dimanche 22 juillet
Pucapampa – Rumichaca – 69 km
Il valait mieux attendre le lever du soleil avant de sortir du duvet tant la nuit fut froide.
Lumière du matin à 4500 m
Je mettrai plusieurs heures avant de réchauffer pieds et mains, et chacun de son côté, Emmanuel et moi, plions tente et bagages pour se préparer à finir l’inachevé de la veille, le col de Chonta à 4 853 m d’altitude. Ce premier passage est avalé sans difficulté mais comme hier, nous continuons à subir les nuages de poussière soulevés par les passages fréquents de camions, bus et camionnettes. La piste est en effet une des voies très empruntées de la région pour se rendre à Ayacucho, ville touristique et dans un site minier voisin. Deux jours durant, nous serons pétrifiés dans la poussière de cette montagne aride.
Un palmipède à plus de 4 800 m
Passage du premier col
Passage du second col
Les Maîtres des cols qui totalisent 120 ans à eux deux
Au passage du premier col, dans notre élan de sexagénaires que rien n’arrête, nous poussons l’audace de nous offrir une heure plus tard le col de Huayraccasa à exactement 5 059 m d’altitude. Un record !
J’avoue de la fierté d’avoir passé la barre des 5 000 m avec simplement une respiration accélérée pour aller chercher plus aisément l’oxygène raréfiée à cette altitude.
C’est à cet endroit précis que nos chemins bifurquent et nous nous quittons, Emmanuel et moi, pour rejoindre Cuzco mais par des voies différentes, Emmanuel connaissant déjà la région des lacs que je traverserai dans moins de deux heures.
La longue descente de la piste en direction de Santa Inès et la pénible remontée vers cette ville seront vite oubliées avec le spectacle féérique que m’offre aujourd’hui cette région des Andes. Une succession de lacs donne à cette montagne desséchée les touches bleu azur que seul le peintre inspiré peut déposer sur sa toile. Je n’ai qu’à pencher la tête à droite, puis à gauche pour cueillir les posters géants. Un spectacle surréaliste qui me laisse sans voix une heure durant. Du beau, du très beau !
Et le spectacle commence ...
L'ancienne ville, ses maisons de terre et sa petite église à droite
Encore une journée bien chargée en émotions, plus que d’autres sans doute.
Il est plus de quatorze heures et je redoute la dernière difficulté, la suite de la descente longue de plus de trente kilomètres sur une piste identique à celle que je viens de traverser d’après ma carte. Je redoute. J’hésite. Je reste ici ou je tente ? Je me renseigne. Et enfin je décide.
Qu'elle fut agréable cette descente sur l’asphalte enfin retrouvée ! Plus rien d’autre à penser que de me laisser glisser vers Rumichaca. Et quel bonheur d’y trouver une douche, même glacée. Bonheur partagé avec mes vêtements, tout à la joie de retrouver leurs couleurs d’origine.
Demain nous repartirons débarrassés de nos kilos de poussière, comme un sou neuf.