Mon Paris-Dakar en camion !
Avec la virgule cachée, il faut lire Alt : 676,5 m
Samedi 9 juin
Transfert de La Balsa à Jaén – 150 km en camion
Réveil ce samedi avec à nouveau un ciel gris et déjà pluvieux. De quoi me mettre le moral à zéro ! C’est fou l’attitude qu’on peut avoir en pareil cas, celle de rester figé devant ce que je considère à cet instant comme une catastrophe, surtout celle de devoir rester dans ce hameau triste à mourir et d’attendre, attendre que cette fichue pluie cesse ! Même si le ciel venait à se dégager, je sais en même temps que la piste resterait détrempée pendant un long moment.
Et ça n’est pas ce couple de randonneurs canadiens de langue française d’une soixantaine d’années, descendant d’une voiture taxi, qui va me redonner l’espoir d’une évasion possible puisqu’il m’annonce que la piste est dans un état déplorable jusqu’à San Ignacio, une ville située à quarante huit kilomètres de La Balsa. Que faire ? Je me refuse à rester ici une journée de plus.
Wen, le chauffeur de camion, prend un grand soin de mon vélo
Et son compère Cesar qui m'invitera le lendemain à un repas typique du pays
Un espoir pourtant, le seul dans cet horizon bouché. Une personne déjeunant dans un local ressemblant à un restaurant et un camion garé devant, le seul. Je tente une conversation pour peut-être trouver chez lui le chauffeur qui me permettra une évasion en plein jour, au nez et à la barbe des habitants, des douaniers et des policiers. Et ça marche ! Je viens de trouver mon complice, lui-même accompagné d’un compère qui tous les deux accepteront le plan de mon évasion. Les tampons administratifs de l’Equateur et du Pérou fleurissent en pleine page de mon passeport et j’ai mon autorisation de séjour pour quatre vingt dix jours bien précieusement rangé dans ce même passeport. Il ne reste plus qu’à attendre que Wen et Cesar, mes compagnons d’échappée, effectuent leur chargement prévu. J’apprends d’ailleurs que ce chargement est dans l’illégalité complète puisque la contrebande de pétrole est interdite mais malgré tout activement utilisée étant donné le prix très élevé de l’essence au Pérou par rapport à son voisin. Ici aussi, la débrouille fonctionne bien apparemment. A 3,70 € le prix du litre, on peu comprendre !
Et nous voilà donc partis pour cent cinquante kilomètres, dont cent de piste. Nous ignorons à ce moment l’état de cette voie en pleine construction.
Travaux titanesques sur plus de 100 km de piste
Nous sommes vite fixés avec les multiples arrêts dus aux engins qui bouchent régulièrement la route et à cause aussi des passages en voie unique sur des portions longues et nombreuses. Cinq heures pour avancer de quarante huit kilomètres, c’est un record en camion. Je réalise en même temps que le vélo n’aurait pas été le moyen approprié pour avancer dans ces portions de piste noyées dans la boue. Comment m’en serai-je sorti au milieu de tout ça ?
Je me rassure, confortablement installé sur les roues motrices de ce puissant camion.
Et puis, c’est la catastrophe ! Dans un virage difficile, Wen arrête son camion derrière d’autres, eux aussi bloqués par un semi remorque vrillé en travers la piste et figé dans la boue. Chacun constate les dégâts, apporte sa solution et plus le temps passe, plus les chauffeurs affluent et plus les avis se multiplient.
Images désopilantes lorsque deux ânes passent tranquillement le long du camion embourbé et continuent imperturbablement leur chemin, le dos bien chargé ! Et, dans le même temps, cruelle situation que la nôtre qui attendions depuis près de deux heures de pouvoir repartir. Quand enfin, un gros engin de chantier apparaît miraculeusement pour sortir le malheureux camion de ce piège et délivrer les deux longues files de camions, motos et voitures retenues prisonnières.
Bonne façon d'éviter l'eau et la boue !
"Enfin du soleil, dit-il !"
Partis à midi de La Balsa ville frontière, nous arriverons à destination à vingt deux heures, fatigués mais heureux d’en avoir fini avec cette piste qui aurait pu être celle de Paris-Dakar.
J'ai retrouvé une région de café
Les revendeurs achètent la récolte des particuliers
Après tout, l’actuelle célèbre course ne se coure-t-elle pas en Amérique du Sud ? Alors, je la considère, pour une journée seulement, comme mon Paris-Dakar à moi.
Pour une journée seulement !